La messagerie Telegram traverse des heures aussi sombres que le dark web. Après la mise en accusation de son PDG, le réseau social est contraint de revoir sa politique de modération. Les conversations privées sont au cœur de ce remaniement. Elles seraient, en effet, à l’origine de filières de pédocriminalité, de terrorisme et de trafics de stupéfiants. En quoi consistent les mesures annoncées par le dirigeant Pavel Durov ?
Pavel Durov obligé de réagir
Le groupe Apple avait déjà dénoncé l’application Telegram en 2018. À l’époque, la plateforme avait été taxée de complaisance envers la pédopornographie. Son téléchargement avait été suspendu durant 24 h avant d’être rétabli une fois les contenus répréhensibles retirés.
Cette fois, le milliardaire russe à la tête de la messagerie déjà surveillée par l’Union européenne subit les accusations de plein fouet. Après plusieurs jours passés en garde à vue, en France, il a annoncé des mesures pour restaurer la notoriété de son entreprise.
Telegram modifie ses fonctions de géolocalisation
L’application au milliard d’abonnés proposait jusqu’à présent une fonction de géolocalisation de proximité. Les utilisateurs pouvaient ainsi entrer en contact grâce à Telegram sans se connaître auparavant. Dans le contexte actuel, ce « People Nearby » est soupçonné de faciliter la mise en relation des trafiquants de drogue, des rencontres entre vendeurs et consommateurs. Une nouveauté apparait donc sous le nom de « Businesses Nearby » afin de ne répertorier que des entreprises vérifiées.
Mise à jour de la politique de confidentialité
Telegram a conquis les utilisateurs à sa sortie en garantissant la confidentialité des interactions privées. Les conversations et les groupes secrets demeuraient à l’abri des régulateurs, ce qui, pour les usagers, assurait l’absence de contrôle par les gouvernements.
Cette discrétion a en réalité favorisé le déploiement de chaînes de vente d’armes, de faux documents d’identité et de contrebande. La plateforme a donc décidé d’ouvrir les signalements aux échanges privés. Les utilisateurs pourront solliciter les modérateurs sur des contenus jugés illégaux.
Les utilisateurs, premiers modérateurs
La mise à jour consiste concrètement en un bouton « signaler » disponible pour chaque abonné. Un système semblable à ce qui existe déjà sur des applications Meta comme Instagram ou Facebook. Pour l’instant, ce dispositif est accessible dans les versions anglophones de la plateforme. En France, les canaux publics demeurent distincts des échanges privés. L’ajustement semble en cours d’installation. Mais cette décision à contre-courant de la politique originelle de la messagerie instantanée sera-t-elle efficace ?
Telegram, une affaire à suivre
Pavel Durov clame son engagement dans la lutte contre les canaux criminels. Il explique que les modérateurs avertis par les utilisateurs auront accès aux conversations privées signalées. Pourtant, rien ne garantit que cette mesure correspondra aux demandes des autorités.
En juillet 2024, Telegram avait déjà bloqué plus de 2 000 chaînes publiques diffusant des images pédopornographiques. Résultat, de nouvelles chaînes remplaçaient aussitôt les supprimées. Ne se produira-t-il pas la même chose avec des groupes privés et des régulateurs débordés ? Seule l’annonce officielle des changements entrepris par la messagerie répondra à cette question.